Étude ResilIAES: Résilience des prestataires de soins face aux éventuelles interruptions de l’alimentation électrique

09 juillet 2025
Article

Former à la crise pour ne pas s’effondrer quand tout s’effondre : une formation pilote pour les cabinets de médecine en soins primaires

Les professionnels de santé sont de plus en plus exposés à des crises complexes et déstabilisantes : pandémie, cyberattaque, pénurie d’électricité, ou pénurie de médicaments. Ces risques, qualifiés de systémiques, mettent à rude épreuve les structures de santé. Si les hôpitaux sont souvent au centre de l’attention lors de ces épisodes, les structures de soins primaires jouent un rôle déterminant pour permettre une prise en charge médicale de qualité, adaptée au besoin, et pour éviter l’engorgement du système hospitalier. Pourtant, ces structures sont moins équipées et moins formées à faire face à ces situations exceptionnelles.

C’est dans ce contexte qu’est née le projet ResilIAES à Unisanté (résilience des structures de soins primaires face aux interruptions d’approvisionnement en électricité). Son volet formation propose une expérience pilote immersive, pensée spécifiquement par et pour les professionnels de soins primaires, afin de renforcer leur résilience face aux interruptions de l’alimentation électrique, tout en développant une culture interprofessionnelle de coopération en temps de crise.

Des crises de plus en plus fréquentes, des ressources limitées, des dilemmes multiples

Les risques systémiques posent des défis multiples aux professionnels de santé. En cas de pénurie d’électricité, par exemple, les conséquences vont bien au-delà d’un simple désagrément technique : plus d’ordinateurs, d’imprimantes, de téléphones, de chauffage, d’eau courante ou d’accès aux dossiers médicaux. Chaque action devient un défi. Les prises de décisions se complexifient. La communication se fragilise. L’incertitude augmente.

Dans ce contexte, les soignants ne sont pas uniquement confrontés à des problèmes techniques, mais à de véritables dilemmes humains, éthiques et organisationnels. Le cabinet ou le centre médical doit-il rester ouvert ? Comment continuer à soigner quand l’information manque ? Qui prioriser quand les ressources sont limitées ? Comment faire équipe lorsque chacun est lui-même sous pression ?

Ce sont précisément ces tensions que la formation propose d’explorer et d’analyser collectivement.

Une pédagogie expérientielle pour renforcer la capacité d’agir en situation de crise

La formation repose sur une méthode pédagogique immersive et participative. Les professionnels de santé sont invités à vivre une situation de crise simulée, construite à partir de témoignages réels recueillis dans le cadre du projet ResilIAES auprès des acteurs de soins primaires Suisse, de spécialistes des crises et de professionnels du réseau électrique. De nombreux retours d’expériences ont par ailleurs été recueillis en Espagne et au Portugal après le black-out survenu le 28 avril. Cette mise en situation se présente sous la forme d’un jeu de rôle entre un professionnel du centre de santé et un acteur formé à la simulation de crise.

Le scénario-type ? Une panne d’électricité soudaine dans un cabinet de médecine générale, au moment où plusieurs patients attendent. Rien de fictif, tout est plausible, souvent inspiré de situations réellement vécues.

À l’issue de cette simulation, un débrief structuré permet à tous les participants qu’ils aient joué ou observé d’exprimer leurs ressentis, d’analyser les choix posés, d’identifier les points de blocage, mais aussi les stratégies collaboratives ou individuelles efficaces. Cette discussion est animée par l’acteur (Pascal Servet) ainsi que Jean-Marc Rudaz, spécialiste de la gestion des crises.

Objectifs pédagogiques : au-delà des gestes, développer des postures

Cette formation ne vise pas l’acquisition de gestes techniques, mais la consolidation de compétences humaines essentielles en temps de crise :

  • Priorisation et prise de décision en contexte dégradé,
  • Communication claire et respectueuse malgré la pression,
  • Coopération interprofessionnelle et coordination des actions,
  • Réflexivité individuelle et collective pour mieux comprendre ses propres réactions, ses propres limites et celles de ses collègues,
  • Capacité à demander de l’aide, à poser des limites, à réajuster une décision.

Les participants expérimentent également les trois temps d’une crise :

  1. La préparation : repérer les signaux faibles, anticiper les besoins, construire un plan,
  2. Les premières heures : dépasser la sidération, prendre des initiatives, gérer l’urgence,
  3. Le cœur de la crise : réorganiser, faire face à l’angoisse, coopérer avec les autorités, gérer les ressources humaines et matérielles.

Un format court, intense, reproductible

La formation est conçue pour s’intégrer facilement au quotidien d’un centre médical ou de santé :

  • 1h30 par session : 15 min d’introduction, 20 min de simulation, 40 min de débrief, 15 min de synthèse.
  • 3 à 10 participants par session, tirés au sort pour monter sur scène, les autres jouent le rôle d’observateurs actifs.
  • Possibilité de rejouer certaines scènes, d’en discuter, de faire évoluer les réactions et les choix.
  • Pas de vérité absolue, mais des échanges pour enrichir les réponses possibles à une situation incertaine.

Une démarche évolutive et co-construite

Ce projet pilote, qui sera testé au Centre de santé de la Blécherette, sera évalué et ajusté en fonction des retours des participants. Un recueil d’expérience est prévu après la formation, à travers des entretiens de type « auto-confrontation » permettant d’approfondir les ressentis, les prises de conscience et les changements de pratiques.

Pourquoi cette formation est pertinente pour les réseaux de santé ?

Les structures de soins primaires représentent un maillon essentiel de la réponse collective aux crises, mais elles restent encore peu préparées et peu accompagnées. Or, la gestion d’une crise ne dépend pas uniquement d’une bonne organisation ou de bons équipements, mais surtout de la capacité humaine à réagir ensemble, dans l’incertitude.

Former à la crise, c’est :

  • Préparer sans alarmer,
  • Rendre visible les ressources internes des équipes,
  • Créer un espace où les erreurs deviennent des apprentissages,
  • Renforcer la cohésion, la solidarité et la confiance interprofessionnelle.

En intégrant cette formation à leurs dispositifs de développement professionnel, les réseaux de santé investissent dans la robustesse de leurs équipes et dans la sécurité des patients.

Et maintenant ?

Le projet entre dans sa phase de finalisation et de standardisation. Il pourra être proposé aux réseaux volontaires dès l’automne 2025, avec un appui pour l’adaptation aux contextes locaux. Un document de présentation sera diffusé dans les prochains mois.

Nous restons à l’écoute pour toute question, suggestion ou manifestation d’intérêt.

Contacts
Paul Tarteret, Santé Globale et Environnementale – Unisanté : paul.tarteret@unisante.ch.
Valérie D’Acremont, Santé Globale et Environnementale – Unisanté valerie.dacremont@unisante.ch